Interview Bruno BIANZINA x Culture RP
- Interview
- 29 October 2018
Bruno Bianzina vous débutez une carrière chez LMG, puis vous restez 10 ans chez Havas Sports en tant que Directeur du pôle Stratégie et Études puis comme Directeur Conseil. Vous rejoignez ensuite l’agence Sport Market en tant que Directeur Général Adjoint en septembre 2006, avant de devenir Directeur Général en 2017.
Agence conseil en communication spécialisée dans le sport fondée en 2001, Sport Market accompagne les marques et institutions sportives dans leur stratégie de sponsoring et de marketing sportif, dans leur politique de partenariats et leurs campagnes d’activation en événementiel, digital, création, opérations citoyennes/RSE et relations médias et influenceurs.
Quel est l’ADN de l’Agence Sport Market, vos expertises, vos enjeux et vos objectifs ?
Bruno Bianzina :
Nous sommes une agence de communication spécialisée dans l’univers du sport mais cela ne veut pas dire que nous ne travaillons que pour des marques de sport. Nous accompagnons toutes les marques qui souhaitent injecter du sport dans leur communication, qu’il s’agisse de sponsoring, de mécénat ou de communication interne.
L’agence est résolument orientée contenus et notre savoir-faire premier est la mise en récit des marques dans le sport et l’utilisation du sport pour valoriser leur capital de marque. C’est sur cette réciprocité entre sport et marque que se fonde notre expertise et notre signature « Sports for brands and brands in sport ».
Notre vocation est d’accompagner nos clients dans la définition de leur projet stratégique de communication et dans le déploiement opérationnel de leurs campagnes.
Comment êtes-vous organisés ?
L’agence compte une quinzaine de collaborateurs. Nous sommes trois managers responsables du pilotage de l’agence et de ses trois entités : l’équipe de consultants et de chefs de projets pour la conception et le suivi des campagnes de nos clients, la cellule développement et planning stratégique orientée new biz et le binôme de consultants RP et e-RP dédié aux relations médias et influenceurs.
Quelles sont les utilisations astucieuses, expertise, maîtrise des savoir-faire et techniques propres au secteur du marketing sportif ?
Etre un professionnel de la communication dans le sport ne s’improvise pas et ne se décrète pas. C’est comme pour tous les métiers, il vaut mieux faire appel à des professionnels formés, qualifiés et mieux encore, expérimentés.
Au sein de l’association SPORSORA (qui regroupe les principaux acteurs de l’économie du sport), l’agence a contribué à la rédaction d’un guide destiné à répondre à la question « Qui sont les experts du sport business ? ». Car oui, pour réussir dans ce secteur économique, il faut en maîtriser les codes, le langage, les usages, c’est-à-dire à la fois la complexité et les subtilités.
La règle d’or d’une agence de communication sport est de maîtriser l’environnement contractuel qui fonde le partenariat entre une marque et un événement sportif, un club, un athlète ou une équipe nationale. C’est ce cadre contractuel qu’une agence spécialisée peut enrichir en amont de la signature avant de l’optimiser en communication dans le respect des droits et obligations de chacun.
Ce qui fait l’expertise unique des agences de communication sport, c’est de maîtriser la globalité du potentiel de réponse du sport aux problématiques des marques. La facilité consiste souvent à considérer qu’il suffit de mettre un sportif dans un spot de pub ou de se payer un parrainage média en TV ou en radio pour faire le job. C’est tout le contraire. Tout le sens de la présence d’une marque dans le sport c’est le volet hors média, c’est la relation directe avec les publics du sport, c’est l’expérience qu’elle va proposer aux fans et l’engagement qu’elle va provoquer de la part des communautés du sport, c’est la contextualisation sport de ses engagements RSE… C’est sur ce terrain là, de tangibles et concrets, verbalisés autour de messages qualifiés, que la campagne média pourra apporter une visibilité et une puissance utile.
Aujourd’hui plus que jamais le « Content Is King ». Quelle est la stratégie de contenu que vous développez ?
Nous travaillons autour de la notion de discours cadre. Ce discours cadre est la verbalisation à l’instant T des intentions, des positions et des actions de la marque dans le sport. Toute notre stratégie de contenus consiste à piloter ce discours cadre en l’éditorialisant en fonction du calendrier sportif et du plan d’actions. Nous décryptons les intentions, c’est-à-dire la stratégie, nous décrivons les positions, c’est à dire les « assets » sport de la marque et nous valorisons les actions en terme de cohérence et de résultats. Ce discours cadre, régulièrement alimenté de dispositifs événementiels, de programmes citoyens, d’opérations influenceurs est ensuite traduit en outils presse et contenus médias, en animation éditoriale pour l’écosystème digital et en contenus pour les médias internes…
Quelles sont les évolutions de métiers et quels ont été vos plus grands challenges ?
L’évolution qui nous passionne le plus est la montée en puissance de la dimension responsable et citoyenne du sport. Nous continuons à envisager le sport en tant que spectacle et divertissement, mais nous observons que tous les acteurs prennent progressivement conscience que le sport est un puissant levier de transformation sociale, en matière d’éducation, de cohésion sociale, de santé, d’émancipation, de mixité… Pour une agence de contenus comme la nôtre, ces enjeux là offrent des axes de récit très riches et porteurs de sens.
La deuxième évolution qui nous a impactés est le développement du digital. Le digital n’a pas modifié notre approche du récit des marques dans le sport, car la recherche de sens ou de légitimité des marques dans cet univers, se place rarement sur le terrain de la technologie. En revanche il a profondément transformé la manière d’adresser nos messages. Nous devons être en veille permanente sur les évolutions technologiques, les nouveaux canaux, les nouvelles fonctionnalités ou les nouveaux usages. La complexité est qu’ils ne remplacent pas les anciens mais qu’ils viennent s’y agréger. Nous avons dû intégrer de nouveaux acteurs, les influenceurs sans pour autant perdre de vue les médias traditionnels. Tous les événements que nous organisons désormais le sont sous le label phygital qui entraîne la digitalisation des événements et l’événementialisation de nos lignes éditoriales digitales. Nous continuons à produire des films pour nos clients, mais nous avons dû multiplier les formats, notamment pour répondre aux contraintes des réseaux sociaux.
Qui sont « vos influenceurs » et pour quels objectifs ?
Nous avons débuté la communication d’influence il y a un peu moins de 5 ans et aujourd’hui, toutes nos recommandations intègrent des campagnes de ce type. Naturellement notre cœur de métier nous amène à travailler principalement avec les influenceurs « sport et lifestyle » (nous entretenons un pool d’influenceurs de plus de 200 profils running, fitness, musculation, yoga, foot, e-sport… ). En fonction des thématiques de nos campagnes clients, nous construisons des passerelles afin de collaborer avec des influenceurs « food », « fashion », « nouvelles technologies », « tourisme », « beauté », « parents » …
Aujourd’hui, il est vrai que les réseaux sociaux prennent beaucoup de place par rapport aux médias traditionnels et que l’utilisation des influenceurs dans nos campagnes d’activation nous permet de toucher des communautés plus ciblées et engagées. Que ce soit pour la diffusion de nos campagnes, pour crédibiliser nos messages, entretenir de la notoriété, présenter un produit, créer de nouveaux contenus, ou encore augmenter la part de voix digitale ou développer de nouvelles communautés, ces nouveaux prescripteurs ou leaders d’opinion sont devenus incontournables.
En général, sur quels critères engagez-vous un « partenariat » avec les influenceurs ?
Pour chacune de nos campagnes nous faisons du sur-mesure. En fonction des objectifs, nous tenons évidemment compte de l’audience (nombre d’abonnés) mais nous choisissons également nos influenceurs selon des critères d’affinité aux messages de la campagne, de légitimité par rapport au sujet et de cohérence de contenu et de ton par rapport à leur feed, d’engagement et d’adhésion de leur communauté…
Pouvez-vous nous donner un exemple réussi pour votre entreprise ?
Le meilleur exemple est notre campagne FDJ « Prêts à jouer le jeu ? » dans la cadre du soutien à la candidature de Paris 2024. Nous sommes exactement dans ce que je décrivais en matière de stratégie de contenu avec un discours cadre très structuré autour de l’enjeu d’égalité des chances, une déclinaison événementielle mensuelle pendant les 8 derniers mois de la candidature, des contenus presse très riches et une traduction digitale avec des opérations influenceurs systématiques autour du #JouerLeJeu. Le résultat, c’est que FDJ a été la marque la plus mentionnée sur les réseaux sociaux en relation avec Paris 2024 avec une part de voix presque deux fois supérieure à la marque classée numéro 2. (cf. étude Sprinklr).
À l’occasion de la 20ème cérémonie des Grands Prix TOP COM Corporate Business qui récompense les meilleures campagnes de communication de l’année, Sport Market s’est vue décerner trois prix prestigieux dans la catégorie Sponsoring, avec ses clients Elior Group, FDJ et Lidl. Comment expliquez-vous cette réussite ?
Il est toujours difficile de cerner précisément les raisons qui expliquent l’obtention d’un prix. Pour FDJ, je pense que c’est la cohérence du discours d’un grand partenaire historique du sport français engagé en faveur du sport pour tous, la richesse des activations et au final leur efficacité. Pour Elior Group, qui est moins habitué à intégrer du sport dans sa communication, nous avons également construit un discours solide autour du rapport entre nutrition, sport et bien-être. Le jury nous a dit avoir apprécié la créativité de la campagne et sa dimension innovante puisque nous avions développé un détecteur de bien-être grâce à un logiciel de reconnaissance faciale. Pour Lidl, nous sommes davantage dans la reconnaissance d’une politique de partenariat. En prenant des positions très fortes dans le handball français, Lidl est en construction d’un territoire sportif identitaire au service de la transformation de sa marque et d’un enjeu de proximité territoriale.
Quelles sont vos actualités du moment ?
Un an après le lancement du mouvement #MeToo, nous venons d’organiser la première édition de la « Sine Qua Non Run », pour le compte de l’association « Tu Vis, Tu Dis ». Cette course mixte destinée à sensibiliser le plus grand nombre aux violences sexuelles et sexistes faites aux femmes a réuni plus de 800 coureurs et surtout de nombreux partenaires institutionnels et privés qui se sont mobilisés.
En septembre dernier, nous avons également lancé lors d’un événement presse la dernière campagne de FDJ pour la promotion du sport féminin autour de l’idée que « Pour chaque femme le sport est une chance ». La campagne compte un film manifeste qui approche les 600 000 vues sur Youtube (FDJ Sport Pour Elles) et dépasse les 400 000 sur Twitter ; une série de films de 30’ qui présente le parcours de femmes sportives de haut niveau (notamment Sarah Ourahmoune) ou de femmes anonymes qui ont mis du sport dans leur vie ; une campagne Instagram qui fera gagner jusqu’à la fin de l’année 400 cours de sport à des femmes ; un partenariat média avec madmoiZelle et la Youtubeuse Juliette Tressanini…
Quel est aujourd’hui le combat d’un directeur d’Agence ? Quels sont les nouveaux enjeux de la communication et du marketing responsable que vous devez mener ensemble – Avez-vous un appel à faire passer ?
La problématique principale que j’observe c’est une forme de prise de distance des annonceurs par rapport aux agences et du coup, une dégradation d’une part de la relation de confiance et d’autre part de notre visibilité économique. Surtout pour des agences comme la nôtre, qui sont de petites structures. Les collaborations sont de plus en plus hachées, les missions segmentées, les honoraires saucissonnés… au détriment d’une relation plus stable et à mon avis plus vertueuse pour tout le monde.
Si je me concentre sur mon secteur, celui du sport, mon appel est simple. Le sport est depuis 2016 une véritable filière économique qui pèse près de 2% du PIB. Cette industrie du « sport-business » s’est considérablement développée et professionnalisée. Je pense qu’il est temps de professionnaliser le recours aux agences spécialisées et arrêter de penser que parce qu’il s’agit de communication sport n’importe qui peut s’en charger. C’est d’ailleurs vrai également en matière de RH au sein même des entreprises. Communiquer sur cette matière faite d’émotion et d’aléas, de sensations et d’affects et qui touche de près ou de loin tout le monde, mérite bien qu’on s’entoure de vrais experts.